Promenade dans Paris

Publié le par Entrefilets

 

 

Même si je m’y sens un peu oppressé et comme englouti sous des milliers de destins croisés mais inconnus, je ne déteste pas le Métro. Il y a du mystère à plonger sous terre, se faufiler à travers des boyaux lugubres et refaire surface plus loin, ailleurs.

C’est un peu comme les souterrains qui me faisaient rêver jadis ; des chemins secrets reliant sans notion de distance ni de temps des lieux que rien ne devait rapprocher, passage magique entre des mondes opposés : le lycée des garçons et celui des filles, le couvent des moines et celui des ursulines, notre univers et d’autres espace-temps…

Pour moi, le Métro de Paris c’est tout à fait ça. Vous vous enfoncez gavroche à Ménilmontant et vous réapparaissez flâneur ailleurs.

 

Ce jour-là, c’est place du Palais Royal que je décidais de faire surface.

 

Il pleuvait et dans l’étroit escalator qui ressort coté pair les Parisiennes en ouvrant leur parapluie faisaient, au-dessus de moi, comme une éclosion de corolles multicolores.

 

J’avais un but, une destination qui affermissait mon pas et c’est sans hésitation que, longeant la Comédie Française, je m’engouffrais dans le Jardin du Palais Royal non sans m’autoriser le plaisir enfantin de traverser en diagonale les colonnes de Buren.

 

J’aime la poésie retrouvée de cette cour délivrée des automobiles qui autrefois la défiguraient.

 

Évitant le côté presque exclusivement réservé à la numismatique, je longeais la Galerie de Valois en admirant les vitrines colorées que leur luxe rend quasi improbables tout en lorgnant du côté de la galerie Montpensier où Cocteau (dont il est question )vécut longtemps.

 

Ensuite, c’est tout naturellement que traversant la rue de Beaujolais je fus comme aspiré le long des marches qui conduisent au passage des Deux Pavillons.

 

J’étais presque arrivé.

Mais n’étant pas pressé je ne me refusais pas le plaisir d’emprunter, un peu sur ma droite, la Galerie Vivienne qui, au milieu de biens des splendeurs, cache une librairie que j’adore.

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Quelques pas encore et je me retrouvais en face des anciens locaux de la Bibliothèque Nationale en pleins travaux de rénovation et tout encombrés de bâtiments préfabriqués.

 

Il n’était pas dix heures et j’arrivais trop tôt pour visiter l’exposition qui m’avait attiré jusqu’ici.

 

« Allons voir combien la Seine est haute » me dis-je, « on parle de crue. ».

 

Et me voilà reparti, le cœur léger, le nez au vent – glacial ce jour-là.

 

Ne voulant pas reprendre le même chemin, je m’engageais dans le Galerie Colbert pour en admirer la magnifique rotonde. eEn ressortant rue des Petits Champs je tournais à gauche et, non sans admirer au passage la perspective sur la Bourse offerte par la bien nommée rue de la Banque, je  me dirigeais vers  une place dont, à mon sens, on ne parle pas assez : la Place des Victoires.

 

Je ne me lasse pas de l’admirable circularité de cette place à l’architecture soignée conçue par Jules Hardouin-Mansart en 1685 dont la taille me paraît juste appropriée au marcheur qui contourne la statue équestre du Roi Soleil réalisée par Bosio en 1822 qui, après bien d’autres, a fini par remplacer celle, en pied, de Desjardins qui a été fondue en 1792... Un exemple d’équilibre au milieu d’un quartier très chic mais néanmoins sympathique où se croisent en oblique tout un lacis de petites rues paisibles.

 

Prenant la rue Croix des Petits Champs qui évoque pour moi des souvenirs anciens illuminés d’insouciance, je fis un détour vers la Bourse du Commerce et de l’Industrie pour en admirer la façade et me retrouvais Place des 2 Ecus où débouche depuis longtemps une rue que tout marcheur impénitent ne peut que vouloir prendre : la rue Jean-Jacques Rousseau.

Là se trouve, sourire du contingent, le Bureau des Voyages de la Jeunesse (http://www.bvjhotel.com/).

Une adresse qui mérite d’être connu.

 

Mais poursuivons.

 

J’accélérais le pas, enchanté à l’idée de traverser la rue de Rivoli que personnellement je n’aime pas pour gagner, par le Jardin de l’Oratoire, la Cour Carrée du Louvre délicieusement vide par ce matin froid.

 

Arrivé au centre de cette cour que l’on doit à Louis XIV, je pris le temps d’admirer sur ma droite l’inoubliable perspective que laisse deviner, à travers leur transparence quadrillée, les pyramides vitrées de la Cour Napoléon conçues par l’illustre Leoh Ming Pei.

 

Comme chaque fois, je me suis surpris à sourire en pensant que, dans mon esprit, cette perspective fuyant à travers le jardin des Tuileries, la place de la Concorde et les Champs-Élysées jusqu’à l’Arc de Triomphe va même, à la faveur d’une légère distorsion de l’espace (et du temps ?), au-delà de la Porte Maillot tout droit jusqu’à l’Esplanade de La Défense.

 

De l’autre côté de la cour le Jardin de l’Infante, qui n’a pas plus de charme que celui de l’Oratoire, s’ouvre sur les quais et le pont préféré de Vercors et de bien d’autres : le Pont des Arts qu’il m’est totalement impossible, lorsque je suis à pied, de croiser sans le traverser.

 

Aujourd’hui, comme d’autres ponts piétonniers de Paris, ses rambardes grillagées sont surchargées de cadenas accrochés là en signe de perpétuel engagement par les amoureux de Paris. Ce qui m’évoque inévitablement ce chemin qui longe la mer, entre Riomaggiore et Manarola, dans les Cinque Terre dont j'ai conservé le souvenir  ici.

 

Ce qui fait tout le charme du Pont des Arts, le premier pont réservé aux piétons et métallique de Paris construit en 1803, ce n’est pas seulement la vue qu’il offre sur l’Institut de France et sa célèbre coupole sous laquelle se réunit, entre autres, l'Académie Française. 

 

C’est aussi et surtout la vue splendide qu’il offre sur le Paris des bords de Seine.

 

D’un côté, devant le Pont Neuf et partageant la Seine, la pointe du Vert Galant où commence l’île de la Cité hérissée de la flèche de la Sainte-Chapelle et des tours de Notre-Dame.

 

Sur la rive droite, la tour Saint Jacques, les deux théâtres de la place du Châtelet, l’Hôtel de Ville et le clocher de St-Gervais.

 

En aval, le Louvre, le pont du Carrousel, un petit bout de l’obélisque qui domine la place de la Concorde et, magnifiques depuis qu’elles ont été restaurées, les verrières du Grand Palais dont la transparence retrouvée reflétait ce jour-là les nuages qui recouvraient Paris.

 

J’aurais pu rester là longtemps à admirer le paysage dans le froid et le vent si une petite voix, du fond de ma mémoire, ne m’avait pas rappelé à mon projet initial.

 

Je suis donc reparti vers la place du Carrousel ; j’ai traversé la place Colette (qui vécut longtemps et mourut non loin de là, au numéro 94 de la galerie de Beaujolais) puis, remontant la rue de Richelieu, j’ai emprunté le passage Hulot (vous avez remarqué combien j’aime les passages ?) pour rejoindre la rue de Montpensier. J’avais retrouvé ma destination : l’exposition proposée par la Bibliothèque Nationale, 5 rue Vivienne sur laquelle je reviendrai peut-être un autre jour.

 

J’en suis ressorti trop ébloui pour ne pas plonger à nouveau dans le Métro et ses étranges boyaux qui m’ont reconduit, ailleurs et plus loin, jusque dans mes quartiers populaires.

 

 

 

 

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